La Commission européenne a rendu publique le 29 avril 2021 son étude (et un résumé) sur le statut juridique des nouvelles techniques génomiques (NGT). Cette étude concerne les nouvelles techniques génomiques (NGT) pour les plantes, les animaux, les micro-organismes et leurs applications industrielles et médicales.
Les auteurs de l’étude définissent les NGT comme des techniques capables de modifier le matériel génétique d’un organisme apparues ou développées depuis 2001.
Cette analyse a été publiée suite à la décision C-528/16 de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de 2018, qui jugeait que les plantes obtenues par des techniques de mutagénèse postérieures à la directive sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) de 2001 devaient être considérées comme des organismes génétiquement modifiés. A noter également que cette étude avait été demandée par une décision du Conseil en novembre 2019.
L’analyse conclut qu’il faut favoriser le développement des NGT. Par ailleurs, il est proposé une modification de statut pour les plantes issues de certaines de ces techniques (mutagénèse et cisgénèse), puisque la Commission estime que les procédures réservées aux OGM sont inadaptées aux risques que ces plantes représentent.
Plusieurs parties prenantes ont réagi à la publication de cette étude : l’organisation non-gouvernementale Slow Food (qui promeut l’alimentation locale et la cuisine traditionnelle) s’est dite « profondément alarmée » par la décision « d’ouvrir la porte à une dérégulation des nouveaux OGM » ; l’organisation environnementale Greenpeace a appelé la Commission et les États membres à respecter l’arrêt de la CJUE de 2018 et à continuer à considérer les NGT comme des OGM ; le Copa-Cogeca (représentant les agriculteurs et coopératives), favorable aux techniques étudiées dans le rapport, a considéré de son côté que cette étude apportait de la « clarté ».
Dans le contexte de cette étude, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen a organisé le 10 mai 2021 une audition intitulée « Nouvelles techniques de modification génétique dans le secteur alimentaire : impacts sur la santé et l’environnement ? »(liste des intervenants et lien vers l’audition).
Lors de la présentation de son étude aux eurodéputés, Irene Sacristan Sanchez (cheffe d’unité « biotechnologies », au sein de la Direction « Sécurité alimentaire et des aliments pour animaux, innovation » de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire – DG SANTE de la Commission européenne) a notamment souligné les avantages liés à l’utilisation des nouvelles techniques génomiques et les inquiétudes de certaines parties prenantes sur ce sujet. Elle a mis en avant comme avantage le fait que ces techniques puissent rendre les plantes résistantes aux parasites et aux maladies, résister aux effets du changement climatique, améliorer la teneur en nutriments des légumes ou encore réduire la teneur en substances nocives. Concernant les inquiétudes liées aux nouvelles techniques génomiques, la représentante de la Commission a mentionné les potentiels risques pour l’environnement, la coexistence de ces techniques avec l’agriculture biologique et sans OGM, la question de l’étiquetage, ou encore le droit à l’information des consommateurs ; précisant par ailleurs qu’il s’agissait en règle générale de craintes liées à la manière dont elles sont utilisées, et non pas à ces techniques en elles-mêmes.
Les scientifiques et parties prenantes invités ont indiqué le rôle des nouvelles techniques génétiques, leurs bénéfices et leurs risques. De leur côté, les eurodéputés ont notamment précisé leur position sur l’utilisation des nouvelles techniques génomiques, ainsi que pour certains leurs potentielles inquiétudes. La question de l’étiquetage des produits génétiquement modifiés a été évoqué à plusieurs reprises, et plus globalement l’information des consommateurs.
L’eurodéputé Herbert Dorfmann (PPE, Italie) – membre de la commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI) du Parlement européen et rapporteur du projet de rapport sur la stratégie Farm to Fork au Parlement – s’est montré en faveur des NGT.
En revanche, pour les eurodéputés les plus sceptiques face à ces techniques :
- Martin Hausling (Verts/ALE, Allemagne) – membre de la commission AGRI et membre suppléant de la commission ENVI – a critiqué le fait que les experts qui avaient été consultés en amont de la publication de l’étude de la Commission européenne, représentent selon lui 90% d’entreprises qui sont en faveur des techniques génomiques, et seulement 10% d’organisations qui sont critiques face à ces méthodes ;
- Michèle Rivasi (Verts/ALE, France) – membre suppléante au sein de la commission ENVI – a indiqué que pour l’industrie des semences, il n’était pas possible d’étiqueter les produits OGM car ils ne peuvent pas être distingués des produits conventionnels – et elle s’est interrogée sur la manière dont ces produits pouvaient être tracés ;
- Pietro Fiocchi (CRE, Italie) – membre de la commission ENVI – s’est interrogé sur la manière dont le phénomène de modification génétique des aliments pouvait être contrôlé au sein des entreprises, précisant que des études estiment, selon lui, qu’il n’est pas possible de vérifier si une plante a été modifiée ou pas par le biais de nouvelles techniques génomiques.
À noter qu’au 3e trimestre 2021, la Commission européenne doit publier une feuille de route présentant ses futures initiatives sur les nouvelles techniques génomiques, ainsi que lancer une consultation publique sur cette feuille de route.