Plus de la moitié des coquillages vendus sur les étals viennent d’écloseries, des bâtiments avec des bassins fermés où les parents sont sélectionnés. Une pratique dénoncée par l’association Nature et Progrès.
Les vrais amateurs dégustent l’huître telle quelle, sans filet de citron, ni vinaigre à l’échalote. Il n’y a pas mieux pour profiter de ses saveurs iodées. De ce petit goût de mer dans laquelle le coquillage a grandi. Mais les huîtres qui seront ouvertes le soir de Noël n’ont pas toutes eu le privilège à leur naissance d’être bercées par les marées.
« Elles ne naissent pas toutes en mer comme elles le font naturellement depuis des millions d’années, souligne Nature et Progrès, une des associations fondatrices de l’agriculture biologique en France. Depuis plus d’une décennie, elles peuvent naître en écloserie, des bâtiments laboratoires avec des bassins fermés où les parents sont sélectionnés. »
Plus de la moitié des huîtres sur les étals viennent de fait d’écloseries mais aucun étiquetage ne permet d’en informer le consommateur » déplore l’ONG qui a décidé de s’associer avec les « Ostréiculteurs Traditionnels ». Ce collectif regroupe une centaine de producteurs issus de sept bassins ostréicoles français qui garantissent que leurs naissains (les bébés huîtres) ont été captés en mer puis « élevés sans antibiotiques, sans transformation, ni traitements chimiques.
Des paysans de la mer
Ces ostréiculteurs se voient comme des « paysans de la mer ». Et ils défendent, à l’image du président de l’association Benoît Lejoubioux, une technique d’élevage où « seule la nature fait son œuvre ». Si Nature et Progrès défend ce mode de production, c’est « parce que l’aquaculture a subi les mêmes dérives productivistes que l’agriculture ».
Le label bio peut être apposé sur des huîtres nées en écloserie car aucun pesticide n’est utilisé pour leur culture. (Illustration) Grand Angle Productions
Et l’ONG de dénoncer le principe même des écloseries. « Au lieu d’être captées en mer, les huîtres sont fécondées artificiellement à partir de géniteurs et évoluent dans des bacs jusqu’au stade du naissain où elles sont vendues pour être élevées dans des parcs ostréicoles », détaille l’association. Une pratique « d’élevage intensif » jugée « à risque ».
« Les huîtres d’écloserie sont génétiquement appauvries par les sélections et par la quantité limitée de géniteurs, estime l’association. Elles sont moins résistantes que des huîtres issues d’une reproduction naturelle. Les larves et naissains, tant qu’ils sont en écloserie, évoluent dans des milieux aseptisés et peuvent subir des traitements antibiotiques ».
Pourquoi ne pas se ranger derrière le label bio ?
Tout le contraire de ce que pratique Jean-Noël, un ostréiculteur « traditionnel » du Morbihan. « Nous n’avons pas de traitements contre les maladies, nous ne sélectionnons pas ce que l’huître mange, nous ne pouvons que l’observer et l’aider à résister aux éléments », explique-t-il. « Produire avec des naissains naturels, c’est plus aléatoire et c’est plus cher, reconnaît de son côté Annie, ostréicultrice en Méditerranée. Mais on n’a pas de mortalité et nous élevons les huîtres de la même façon depuis soixante ans. »
Pourquoi ces défenseurs d’un « savoir-faire » ancestral ne se rangent-ils pas tout simplement derrière le label bio qui a fait son apparition depuis quelques années sur les bourriches d’huîtres ? « Parce qu’il peut tout à fait être apposé sur des huîtres nées en écloserie et que c’est donc simplement un argument marketing » dénonce Benoît Lejoubioux.
De fait, ce marquage garantit uniquement que le coquillage a été élevé sans traitement pesticide, ni médicamenteux et qu’il a grandi dans une eau de bonne qualité. «Parce que les consommateurs exigent davantage de transparence» sur l’origine des produits, la députée LREM du Finistère Sandrine Le Feur déposera la semaine prochaine à l’Assemblée un amendement exigeant un étiquetage clair permettant de différencier les huîtres nées en mer de celles nées en écloserie.
Publication du 27 novembre 2019
Par Frédéric Mouchon